Tout ce que j'ai écrit je l'ai écrit dans cette ombre paisible
Juste à côté de vous dans le silence heureux" Extrait de "A mes filles" in "Je n'ai jamais voyagé"
Mon atelier est un atelier d'écriture et de lecture, les deux sont inséparables, liés dans un pas-de-deux sans fin. Il est mon chemin, mon chantier, un peu fouillis, un peu ébouriffé, mal coiffé. Les désordres me vont s'ils permettent des découvertes, des rencontres et qui sait ? quelques créations.
Il peut y avoir des lectures sans écritures, mais il ne peut y avoir d'écritures sans lecture, sans livre. Le livre est extraordinaire, il mène à des royaumes, des questions sans fin, des satisfactions profondes. Avec lui, on ne peut s'ennuyer, jamais. Mais le livre fera peut-être l'objet d'un atelier, plus tard, à lui seul.
Je finirai cette journée par des lignes volées à Philippe Delerm dans "Le trottoir au soleil" et que j'ai lu hier avec délectation alors que j'attendais que le traitement que je dois suivre, s'achevât ... et que la pluie cessât de tomber.
"Je reçois assez souvent des témoignages de plaisirs minuscules. Ils prennent moins la forme de suggestions d'écriture que celle d'une complicité discrète. Une façon de partager le monde. De partager, pas de confondre. Au demeurant, je n'éprouve jamais l'envie d'écrire sur un sujet ainsi évoqué. Mais je n'ai plus le désir de les goûter. Pour ténu, humble qu'il puisse sembler, le plaisir minuscule est une possession personnelle dont les racines ont bien souvent à voir avec l'intensité des sensations d'enfance. Chaque individu reste une île. Un île courtoise, qui se laisse accoster, mais pas envahir."
Sur mon chemin, mon île, j'ai rencontré Philippe Delerm, je me suis trouvée en accord, en harmonie avec lui. Qu'il continue à nous ravir en nous racontant "le trottoir au soleil". En plus de son observation aigüe des choses, il ouvre son livre sur des vers de François de Cornière :
"Je prends le plus souvent
Le trottoir au soleil.
J'y pense en traversant la rue
Pour quitter l'ombre
rejoindre de l'autre côté mon ombre
qui maintenant me suit.
Je trouve ainsi dans les auteurs que j'aime et que je rencontre, des similitudes, des coïncidences, qui expliquent et fondent le désir d'écrire. Je ressens le même le goût du silence.

Novembre 2019 :
"J'irai dans des maisons que je ne saurai pas". (Charles Péguy : Adieux à la Meuse). Plus de trente ans que j'écris chaque jour qui se lève, dans Nice, des carnets muets qui contiennent des mots muets, gardiens silencieux de ma vie qui s'écoule doucement comme la Meuse.
Il sont les témoins de ma présence au monde, dans une tranquille intranquillité. Les dérives, parcours sans but précis, sont un prétexte aux vagabondages, les pieds bien à plat sur la terre, le nez en l'air, des mots en poche et la curiosité en éveil.
Des dessins pour rien, sinon pour dessiner, des notes prises au vol d'oiseaux migrateurs ou sédentaires, et la quête, toujours là, battante, en bandoulière, sont des trésors ordinaires et quotidiens. Ils résonnent en moi, étrangement, sourdement de toutes mes expériences lilliputiennes.