"I've been to hell and back and let me tell you it was wonderful" 1996.
Louise Bourgeois a brodé ces mots sur plusieurs mouchoirs carrés de couleur pastel (rose, bleu), de 29.5 cm x 29.5 cm.
Le texte et le médium utilisés renvoient à sa vie personnelle. Ses parents restauraient des tapisseries. On voit bien ici que ces mouchoirs brodés répondent à une image cliché des femmes, qui font des travaux de broderie à la maison. Cependant cette image est altérée par le message "I've been ..." (Je suis allée en enfer et j'en suis revenue, et laissez moi vous dire, c'était merveilleux).
En nous laissant ces mots brodés, Louise Bourgeois interroge le rôle de la femme, et le sien en particulier, qui s'inscrit à la fois dans une continuité (ses parents restaurateurs de tapisserie) et dans une rupture (le message).
En ce jour du 31 décembre, je me suis mise à écrire, avec une certaine délectation. Mes amis et amies n'étaient pas encore rentrés, et comme c'est un peu une date sensible où l'on se retourne sur l'année écoulée, et où l'on regarde devant soi, j'ai voulu la célébrer en écrivant dans mon blogue, qui est un exercice d'écriture complet, du moins je le considère comme tel, où des lecteurs me rejoignent. Un peu de nostalgie a réussi malgré tout à s'inviter. Je l'ai accueillie telle une compagne un peu embarrassante, mais je n'ai pas cherché à la repousser comme une intruse, je savais que ce serait peine perdue. J'ai ainsi reçu les mots qui se sont présentés avec elle, sans invitation, sur le vif, comme je les aime, toujours étonnants lorsque j'arrive à les rassembler tous dans un atelier-plume, léger, volatile, et doux au toucher. Bref, j'étais seule, cela arrive.
Je suis allée voir Louise Bourgeois, du côté d'internet, pour en connaître un peu plus sur cette artiste d'origine française et mondialement connue. C'est en retrouvant une carte postale montrant ses petites broderies, que j'ai décidé de chercher et de lui faire une visite virtuelle.
Le photographe, Jean-François Jaussaud a fait un livre sur elle : Femme-Maison, aux éditions Albin-Michel, avec une préface de Marie-Laure Bernadac et Xavier Girard. Dans ce livre, il témoigne de son amitié, et mêle des photos de sa maison de Chelsea, et de son atelier à Brooklyn, de ses sculptures, de ses notes et de ses "pensées-plumes".
A nouveau, je me trouve en relation étroite avec cette artiste. Atelier-plume, pensées-plumes ... concordances, coîncidences, correspondances ... Cela m'entraîne plus loin. Quelles sont ces pensées-plumes qui semblent être les siennes et peut-être les miennes ?
Elle dit : " Il n'y a que deux choses qui comptent dans notre vie amoureuse : la table de la salle à manger où nos parents nous ont fait souffrir. Et le lit où on s'allonge avec son mari. C'est là que les enfants sont nés et c'est là que l'on va mourir. En réalité ces deux objets font la même taille, ils ne forment qu'un seul et même objet".
J'écris :
Etude rectangulaire de la vie, simplifiée à l'extrême, dépouillée.
Je continue mes recherches et écoute sur Youtube, une conversation en anglais avec Jerry Gorovoy.
Jerry Gorovoy était l'assistant de Louise Bourgeois pendant plus de trente ans. Il a une connaissance profonde de son travail et a joué un rôle clé dans le développement et la création artistiques de Louise Bourgeois, comme elle l'a si souvent souligné elle-même. C'est grâce à lui que beaucoup de ses oeuvres purent naître et exister. Le thème central de cette vidéo est la réflexion sur la signification des oeuvres de Louise en tant qu'artiste et son rôle phare pour une génération d'artiste. Vous pouvez trouver cette vidéo très facilement sur Youtube.
Les réflexions sur l'art, les choix possibles, guident souvent mon petit atelier "dans un trou de verdure à Nice" et l'écoute de Louise "m'ouvre à" ou confirme des choix que j'ai déjà faits.
Louise dit : "I'm not what I say, I'm what I do" ("Je ne suis pas ce que je dis, je suis ce que je fais" - voir vidéo Youtube : A prisoner of my memories (prisonnière de mes souvenirs).
Elle dit aussi : "I transform hate into love" (je transforme la haine en amour") "trying, failing and doing it again" (m'essayant, échouant et le faisant à nouveau).
Louise lost her mother when she was 21 and had to burry her son. (Louise perdit sa mère à 21 ans et enterra l'un de ses fils).
Cela donna lieu à un livre écrit avec Tracey Emin "Do not abondon me" (ne m'abandonne pas), où l'on peut admirer les nombreuses aquarelles qu'elles se mit à peindre.
Louise Bourgeois est surtout connue pour ses sculptures gigantesques d'araignées, elles-mêmes enfermées dans des grillages de fer qui laissent voir l'intérieur et leur ventre rempli d'oeufs. Métaphore inquiétante de la mère, à la fois protectrice et dangereuse. Vous aimerez les araignées de Louise Bourgeois et sûrement, vous les regarderez autrement chez vous, avec amour.
La connaître autrement, par ses paroles, ses mots, éclaire son oeuvre et nourrit mon petit atelier portatif, (mon atelier-plume) portant des oeufs prêts à éclore. Va-et-vient d'images, de mots, de pensées lourdes ou plumes. Il n'y a peut-être pas de pensées-plumes sans pensées-lourdes.
C'est alors que je me rendis compte de l'état d'abandon de mon lit, déserté et défait, dans sa rectangularité.
Je vois mon lit défait
chaud de la nuit
Pâle et plein de rides
Un chat y sommeille
Il se met en coussin
Les vibrisses en alerte
A tous les silences
Qui traversent
buissons épineux
Le jour qui pointe son nez humide
Tout replié
Tout ramassé
Tout en lui-même
Tout en écoute
En attente de rien
Il respire pourtant
Tout en-dedans
Tout en-dehors
Un petit coussin,
Tout échevelé,
Qui monte et qui descend.
Le 31 décembre 2019 , Nice (poème de l'instant - une expérience de traduction - Sur la rive d'une année nouvelle)
I will continue in English and give a translation of this poem of that very moment, in its platitude and triviality. However it is special and unique, and the color of it is quite nostalgic. It came like this ... and I didn't do anything to restrain it.
I can see my bed now
all messed up still
warm of the pale night
and deeply wrinkled
A cat is looking for a place to sleep
Like a pillow he is
all coiled up
His shrublike moustache
on alert
is listening to silences
Which pass through the daylight
Shows its muggy nose
All withdrawn into himself
and all stocky
All within
All listening
And waiting for nothing
breathes though
All within
and all out of himself
A little hairy pillow
He was,
dishevelled,
that goes up and down.
Laurence Marie Noé (a poem of the instant - an experience of translation). On the shore of a new year.
English and other foreign languages, which I continue to study, send me back to my own mother tongue, and add a special color to it, the color of strangeness, (étranger/étrangeté), novelty, and freshness. English for example makes strange something very common, very ordinary and normally flat, but as the music of English sounds differently, French suddenly appears new and echoing differently too. It's a good experience to translate and try another language in a poetic way of writing. This is the reason why I started this workshop. To experience something new and very tasty and in the end, very exciting. When you come back to French, you can hear it as if you were speaking a new language and as if it were the first day you can speak it. It opens new frontier of writing because it a new and everlasting experience. Try it if you can, and for the moment just keep it as an opportunity or a possibility which can be lived and felt. Translating (it's like an incredible journey, you can fly through meanings, and signs, and words and grammar altogether), it makes you shift to something else you do not know yet.
Le mot "translation" existe en français également et signifie "transfert" - donc voyage en quelque sorte. Ce mot est littéraire et porte en lui l'action de déplacer quelque chose ou quelqu'un. Il s'agit donc bien ici (dans l'écriture et la traduction dans une autre langue) de la possibilité d'une expérience d'étrangeté, et d'ailleurs, pareille au voyage, celui qui vous fait traverser les signes et significations, les mots et la grammaire comme un paysage. L'atelier d'écriture peut mener où l'on veut et prendre des formes infinies, qu'une vie ne suffira pas à épuiser.
C'est aussi cette réalité que je voudrais partager et essayer de vivre pas à pas, expérimenter, chercher, essayer, se tromper et recommencer ... sans se restreindre. Tout est possible, comme dans l'art contemporain.
"JUST LET THEM BE"
This article is bilingual, I'll continue in English as I picked up the impulse from Louise's voice and words and from what she said about her creation, and about the thoughts that she bore while creating such as her feather-thoughts (ses pensées-plumes). These "pensées-plumes" drew me to know more about her, and to know what she meant with that material, in her creative hours.
She says her ideas and thoughts are like flies and butterflies, you have to catch them. And then Louise, what do you do with them ? I just let them be and create at the same time with what they are".
I think these words are very important in the act of writing and we should keep them in mind as a truth inside of us.
Traduction : Comme je voulais savoir ce que Louise entendait à propos de ses "pensées-plumes", elle dit que ses idées et ses pensées étaient comme des mouches et des papillons, qu'il faut les attraper au vol. Et alors, Louise, qu'en faites-vous de ces pensées-plumes ? Je les laisse être ce qu'elles sont et je crée en même temps.
Nous pouvons apprendre beaucoup de ces artistes, qui en même temps qu'ils créent réfléchissent à leur création. C'est ce que nous ferons pas-à-pas au cours des ateliers, du moins c'est ainsi que je les voudrais.
Ecrivez dans vos carnets "vos pensées-plumes", laissez les voler et écrivez en même temps comme elles se présentent. C'est l'esprit de cet atelier, volatile !
Vidéos :
Interview with Jerry Gorovoy (in English) vidéo
Boom Bang - Louise Bourgeois entretiens
Louise Bourgeois une vie - youtube
Louise Bourgeois - l'araignée la maîtresse et la mandarine