On ne s'habituera jamais aux ténèbres. On ne s'habituera jamais à la barbarie.
"On ne s'habituera jamais à l'innocent qu'on tue" A Samuel Paty (Gauvin Sers, chanteur compositeur)
Message de condoléances à la famille de Samuel, mort assassiné parce qu'il exerçait son métier d'enseignant et y croyait, tout simplement.
Repose en paix Samuel,
Au revoir là-haut, Monsieur Paty
(Depuis si longtemps que nous tentons d'éclairer les ténèbres, n'entendez-vous pas nos pas dans la nuit ?)
Je marche
Je ne veux rien montrer. Je choisis le noir. Le noir du voile qui recouvre
ma tristesse
Je porte les mots noirs des ténèbres
un cri inaudible
les mots silence
Des mots je n'en ai pas je n'en ai plus. Ils se sont asséchés, taris, noircis
Mots muets plus vivants que tous les mots
Ce sont des mots qui ne veulent plus parler
de peur de peindre le mal
et qu'on ne le voit plus
Des mots sans couleur
Des mots muets
et sourds
de peur qu'ils fassent plaisir à ceux
qui ont ...
mot couvert
par l'indicible
à cause des mots
ceux pour rire
ceux pour éclairer
ceux pour dire ou ne rien dire
ils n'ont rien compris
au chagrin sans mot des hommes
qui ne pleurent pas
Celui-là les disait les prononçait les partageait
Et ceux-là
Ceux qui ont arrêté le vent des mots vivants
des mots des vivants
ils n'ont rien compris
Les mots je ne veux plus les prononcer
De peur de mentir
De peur de travestir
De peur de froisser
De peur qu'ils ne s'en aillent
ailleurs autrement
De peur d'éteindre la possibilité
et d'étouffer le filament
de lumière
et de voix
qui nous reste
A Samuel, enseignant d'histoire-Géographie au collège du Bois d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine,
Assassiné le vendredi 9 octobre 2020, en sortant du collège, parce qu'il a seulement voulu instruire.
De Laurence Marie Noé,
Enseignante d'Anglais et de Lettres, mais aussi fille de professeure de Français et d'instituteur de la République Française, tous deux passionnés et engagés auprès des jeunes.
Nice le 21 octobre 2020,
Dans : Poèmes noirs de l'instant des ténèbres
Au-delà des mots, la lumière
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Carte postale de Nice, le 21 octobre 2020 (14 heures) envoyée mentalement à Samuel Paty,
Au revoir Monsieur Paty,
A tous les enfants que tu as aimés et instruits.
Aujourd'hui, en remontant l'avenue qui va de la place Masséna à La Libération, le trottoir brillait plus ardoise que jamais. Mon regard fut attiré tout à coup par ce noir, lisse et doux comme une peau que la brusquerie d'un coup de vent dispersa et découpa. Et ce fut une longue trace de lumières éparses, des étoiles tombées du ciel. C'était la pluie des feuilles ciselées des platanes. Des morceaux de vies.
Des jaunes éclatants virevoltaient. Ils se rassemblaient en tas ou se dispersaient en courant sous les pieds des enfants qui essayaient de les attraper dans leurs petites mains, sous le regard envieux de leurs frères ou de leurs soeurs plus jeunes, attachés contre leur gré dans leur poussette. Le ciel était d'un bleu soutenu, sans ombre, sans tache. Ce spectacle m'apparut charmant et pourtant je le trouvai cruel. Comment le soleil osait-il briller et crier si fort ? On sentait comme une douceur qui réchauffait l'âme.
La vie continuait, je remonterais l'avenue aujourd'hui, demain, après-demain et d'autres enfants rempliraient l'air de leurs cris joyeux et éphémères pour l'éternité.
D'autres enfants naîtraient et toujours on se souviendrait.
Laurence Marie Noé,
Photographies de l'instant (polaroïd)
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