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les chemins de l'ecriture

COMMENT LES GESTES S'INSCRIVENT ET S'ECRIVENT

Un matin pluvieux de novembre avec Isadora Duncan

Un matin pluvieux de novembre avec Isadora Duncan

Aujourd'hui jour d'automne. Le grenadier attire mon regard de son éclat jauni. Les bananiers luisent  comme cirés par les gouttes qui s'écrasent en  sons mats et  monotones. C'est un jour à rentrer en soi-même ...

Je m'assieds à ma table bistrot,  et reviens sur cet article que j'avais écrit en janvier 2020, sur le langage du corps, la danse. La danse écrit et trace des signes que le langage parlé n'exprime ni ne décrit. Elle joue son rôle ineffable et indicible. La littérature peut atteindre l'ineffable entre les mots, par le son ou l'articulation des mots entre eux.  Les sensations jaillies  du  silence prennent leur source dans ce qui n'est pas dit mais qui est présent. 

La danse s'installe dans le geste et l'on peut se demander ce que devient le geste en littérature. Le geste peut être codé socialement ou libre, partant du corps lui-même, de son écoute.

C'est ainsi que je reviens sur "ce chemin d'écriture", possible et ouvert à l'exploration de ce qui est ...  et qui répond à la question : "pourquoi dansez-vous ?" par "je danse tout simplement"  (Cunningham) que l'on pourrait transposer à l'écriture.

Je m'arrête là, craignant le verbiage ou  le verbeux qui ne dit rien, et vous propose un rendez-vous au théâtre de Nice, qui sera riche de réflexions et d'expériences diverses qui pourront nourrir l'imaginaire et notre "réel merveilleux", pour reprendre  Giacometti.

 

Le TNN (Théâtre de Nice) propose en décembre (le 9 décembre 2021 à 19h), une conférence dansée autour d'Isadora Duncan. 

 

Conseil artistique Rebecca Lasselin 

Production R.B. Jérôme Bel Coproduction La Commune - CDN d’Aubervilliers, Les Spectacles Vivants - Centre Georges Pompidou - Paris, Festival d’Automne - Paris, Tanz im August - HAU Hebbel am Ufer - Berlin, BIT Teatergarasjen - Bergen, avec l’aide du CND - Pantin [accueil en résidence], MC93 – Bobigny et La Ménagerie de Verre - Paris [Studiolab - espaces de répétitions]
R.B. Jérôme Bel 
est soutenu par la DRAC d'Île-de-France, de l'Institut Français - Ministère des Affaires Étrangères et par l'ONDA.

Avec le portrait dansé d’Isadora Duncan, Jérôme Bel poursuit sa réflexion sur la dimension politique de la danse. Confrontant le passé des archives au présent de la performance, Isadora Duncan est l’occasion de contempler une pensée à l’œuvre.

La danseuse et chorégraphe américaine Isadora Duncan, pionnière absolue de la danse moderne, incarne une liberté nouvelle. Avec ses pieds nus, ses fines tuniques “à la grecque” et ses mouvements libres, c'est-à-dire affranchis de toute technique connue, elle imposa une nouvelle idée de la danse qui repose sur l'invention, l'improvisation et l'harmonie du corps et de l'esprit.
Avec cette pièce conçue pour Élisabeth Schwartz, Jérôme Bel poursuit la série des portraits de danseurs et danseuses,  initiée en 2004, en se concentrant sur la figure d’Isadora Duncan dont elle est une spécialiste. Jérôme Bel découvre sous le personnage romanesque une chorégraphe visionnaire qui, par sa grande liberté d'expression privilégiant la spontanéité et le naturel, apporta les bases de la danse moderne, à l'origine de la danse contemporaine. Mêlant les registres discursif et sensible, moments parlés et solos dansés, le spectacle ravive le souvenir de la danse libre en associant le savoir chorégraphique à l’expérience du plateau.

Schwartz “enseigne“ le souffle propre à Isadora autant que la justesse de la chorégraphie.
Philippe Noisette, Les Inrockuptibles


Bel signe un nouveau portrait dansé. Il s’agit de mener l’enquête sur l’inventrice des danses libres. Bel la suit en questionnant l’autobiographie de Duncan et en ouvrant un dialogue avec Elisabeth Schwartz.
Ariane Bavelier, Figaroscope

 



Attitudes habillées
[Le Quatuor]


Chorégraphie Balkis Moutashar

avec Clémence Galliard, Balkis Moutashar, Sylvain Riéjou, Violette Wanty 

Dramaturgie Youness Anzane Scénographie Claudine Bertomeu Lumière Samuel Dosière Costumes Natacha Bécet, Jasmine Comte, Christian Burle, Jennifer Chambaret, Shatamou Son Géraldine Foucault, Pierre-Damien Crosson Assistante à la chorégraphie Émilie Cornillot 

Production association Kakemono Coproduction CCN de Nancy - Ballet de Lorraine [accueil studio 2020], CCN de Tours [accueil studio 2020], compagnie Système Castafiore - Grasse, avec le soutien de KLAP Maison pour la danse - Marseille, avec l’aide de la DRAC PACA, de la Région Sud PACA, du Département des Bouches-du-Rhône, de la Ville de Marseille et de l’ADAMI

Attitudes habillées [Le Quatuor] propose un voyage dans l’histoire du vêtement féminin et de son empreinte sur les corps. Des corsets, qui ont modifié organiquement le corps des femmes qui les portaient, aux coiffes démesurées ou aux chaussures à plateaux fantastiques créant l’illusion de corps immenses, le vêtement a dessiné au fil du temps des silhouettes parfois spectaculaires, influant sur les possibilités de mouvement et de déplacement de ceux qui les portaient, sur leur façon d’être au monde, engageant d’emblée le corps dans la représentation.

Attitudes habillées [Le Quatuor] se propose ainsi de mettre au jour – voire de réinventer – la mémoire que les corps contemporains portent de cette histoire : des générations de corsets et de faux-culs en métal ont-elles laissé des traces dans les corps et les imaginaires contemporains ? Que découvre-t-on des corps d’aujourd’hui en revisitant ces objets ? Le travail chorégraphique de Balkis Moutashar est empreint des multiples expériences qu’elle a traversées en tant que danseuse, passant de la danse contemporaine la plus abstraite aux revues de music-hall, de performances plasticiennes aux danses traditionnelles avec un même intérêt pour les gestes et les postures induits par ces différentes pratiques.
Attitudes habillées [Le Quatuor] démultiplie les objets comme les points de vue et provoque des rencontres concrètes, physiques, de corps, d’objets, d’époques et de mouvements. Elle est ainsi le lieu de l’appropriation et de la réinvention d’une mémoire à la fois intime et collective. Elle dessine une danse composite, comme sédimentée, qui raconte l’épaisseur de nos corps contemporains, autant que ses possibilités de réinvention permanente.

Une chorégraphie cousue de fil de soie.
Marie Godfrin , Zibeline

 

Look at video : Glimpses of Isadora Duncan of Film

Rappel de mon article sur la danse de novembre 2020 : comment les mots viennent aux hommes, chemin de méditation sur les mots, le geste, après avoir vu un film dansé sur Isadora Duncan.

La caméra de Damien Manivel filme au plus près de la force et du mystère de la danse. "la mère" donne un film rare, d'une grande pureté.

Avec : Agathe Bonitzer, Manon Carpentier (jeune élève) Marika Rizi (professeur) et Elsa Wolliatson (danseuse)

 

Mon blogue-Atelier se veut une réflexion sur la lecture et l'écriture. La lecture et l'écriture sont intimement liées aux autres arts dont elles peuvent se nourrir à l'infini des possibles et des variations.

Comment les mots viennent aux hommes, tel est le  chemin de  méditation en forme de question, de ce jour. C'est comme cela, je me demande toujours comment les mots (peut-être associés à l'expression de nos  maux). Le français permet cette association grâce aux homonymes.  Isadora Duncan danse, danse et cherche  la justesse de ce qu'elle fait à partir de son élan vital, quelque chose qui jaillit du plus profond d'elle-même. Sans cesse elle expérimente, habite, vit la danse dans son corps et son coeur.  La danse d'Isadora prend sens et  lie ensemble  le corps,  (son berceau, son nid ou naît le sens de ce qu'elle fait) et  le geste (qui en est l'esprit, le language et les mots). J'ai gardé le mot "homme", et je l'aime comme un berceau également.  Il est économe (il rassemble hommes, femmes, enfants), il est beau, son genre est neutre, il ne signifie pas l'homme sexué, mais ce qui lie les hommes entre eux,  sans aucune connotation , à la différence d'humanité, qui elle, est chargée d'affectivité, d'amour et de souffrance.  Cet espace neutre  permet une liberté.

En français, et dans les langues latines,  le neutre n'existe pas  en tant que tel, physiquement. Il se réfugie dans le masculin parfois , et parfois dans le féminin. Il serait intéressant d'étudier  la part de féminin dans les mots signifiant un espace neutre par exemple le mot "humanité" qui regroupe, hommes, femmes, enfants et la part de masculin dans le mot "homme", lorsqu'il est neutre et qu'il couvre le genre humain.  Dans les pays latins, le monde, la réalité ont  été découpés en féminin et masculin. Dans les pays anglo-saxons et de langue allemande, le neutre existe et s'inscrit dans le langage. C'est le "it" et le "es". La réalité est découpée différemment, et sans aucun doute la grammaire nous fait entrevoir des réalités différentes, qui ont chacune leur raisons ou pas, leur manière de sentir les choses et de les exprimer.

Peut-être, les batailles  actuelles dans l'espace public sur le genre, viennent-elles de cette confusion entre le monde anglo-saxon (ah! l'Amérique avec son troisième genre) et le nôtre (avec le masculin et le féminin gravés dans toutes les choses qui nous entourent), et  d'un manque de réflexion sur notre langue et sur ce que les mots veulent dire sans prévaloir  d'un jugement négatif quelconque qui fermerait tout questionnement.

J'en appelle à tous les experts  à faire part de ce qu'ils ont observé sur  ce fait de langue, et de  le considérer comme une expérience à vivre, une expérience humaine. Bien sûr il faut garder à l'esprit qu'une réponse toute faite serait le naufrage de la question (Albert Camus). En fait c'est la question qui est ouverte et qui reste le vrai sujet et qui évitera tous les préjugés et les partis pris.

J'y reviendrai plus tard car ce n'était pas mon sujet du jour. Celui-ci s'est invité dans ma réflexion, et je l'ai laissé passer, car je pense aussi qu'il faut saisir le moment, l'opportunité d'écrire (cela fait partie de l'élan de départ, de la naissance de l'écriture, "des mouches à saisir au vol").

Mon sujet d'aujourd'hui est Isadora Duncan, danseuse hors norme, sur l'instant, dans l'âme du mouvement, prenant son élan de son existence présente, comme le mot que l'on saisit au vol (réf. voir mon article sur les pensées plumes de Louise Bourgeois, et les mouches qu'il faut attraper avant qu'elles ne s'échappent). Mais quel est son rapport avec le désir d'écrire ?

En janvier, j'ai vu deux films en rapport avec la danse, et je me suis posé beaucoup de questions,  ce que le langage dansé, signifié (aux autres, sur la scène) signifiait ... Quel sens donner aux gestes inscrits sur la grande feuille blanche de l'espace. Les gestes sont silencieux mais ils parlent, ils crient , muets, des mots qui sortent du corps et y restent enfouis. Les mots lus ou écrits sont aussi des mouvements de l'âme, muets jusqu'à ce que quelqu'un les écrive, et les entende sur une scène,  les emporte et les offre à quelqu'un d'autre. Et ainsi se forme une longue chaîne entre les hommes.

J'ai vu le  très  beau film de Damien Manivel, film-atelier, ni documentaire ni fiction, qui célèbre les pouvoirs de la danse, "Les enfants d'Isadora".

Agathe Bonitzer en est l'interprète. En 1913, Isadora Duncan perd ses enfants  et crée un solo de danse, intitulé "la Mère" , afin de les laisser partir, s'éloigner d'elle.  Un peu comme Moïse, déposé par sa mère esclave sur le Nil, vers sa liberté.  Isadora offre, donne cette liberté à ses enfants morts. La gestuelle, cherchée et cherchée encore et encore, dit l'arrachement , le vide.  Petit à petit, la gestuelle  s'allège pour porter le poids de la tristesse. Surgit alors comme une réponse à la mort inacceptable, une grâce que seule la danse peut porter, une grâce presque consolatrice. La caméra de Damien Manivel filme au plus près de la force et du mystère de la danse. Cela donne un film rare, d'une grande pureté.

Avec : Agathe Bonitzer, Manon Carpentier (jeune élève) Marika Rizi (professeur) et Elsa Wolliatson (danseuse)

 

C'est le deuxième film que j'ai vu en janvier sur la danse :"Cunningham". C'est un film-documentaire d'Alla Kovgan, réalisatrice russe, qui découvre le travail de ce grand chorégraphe américain, extrêmement précis, presque mathématique. La pièce "Variations V" filmée par le réalisateur d'avant garde Stan Vanderbeek sur une musique de John Cage, a été pour elle une révélation. La vidéo devient un instrument de travail, pourtant Merce Cunningham ne se dit pas "moderne", d'ailleurs quelle importance ? "Mes danseurs et moi formons un groupe d'individus. C'est donc ce que nous sommes, sur scène comme dans la vie, des gens qui bougent".

Ce film m'a amenée à m'interroger sur le processus d'écriture. Car on pose la question à Merce Cunningham : "Why do you dance ? Do you want to express something, or a feeling, or a story ?"

Merce Cunningham répond :" I just do it and that's all". C'est ce constat, très pur et très simple, qui a confirmé le sillon que je creuse tous les jours sur l'écriture et qui peut également être une motivation pour vous : "just do it and that's all" 

Pourquoi lisez-vous ou écrivez-vous ? Faut-il de bonnes raisons pour cela ? Certaines seraient-elles meilleures que d'autres ? Faites le et c'est tout. Les questions viendront après, en pratiquant les mots, l'écriture, la lecture. Expérimentez, goûtez, observez.

Commencez comme cela, écrivez.  Etre dans son écriture comme l'on est dans la vie, comme on entre dans la danse.

 

Look at video Youtube : Variations V (1966) Merce Cunningham Company

 

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JE VOUDRAIS SIMPLEMENT (2) ...

Photo de couverture : un café à Monte-Carlo, prise par Laurence Marie Noé

Bonsoir à tous, 

Il pleut à Nice, ce soir. J'aimerais être assise à une terrasse, et regarder en l'air. J'observerais les formes que découperaient sur le ciel   un parasol vert et un immeuble de vingt étages au-dessus de ma tête.

Je vous avais laissé début avril avec ce début de phrase : "Je voudrais simplement" ... que vous pouviez compléter, ou illustrer par une métaphore, un dessin, une photo, un collage, un calligramme, un sonnet ....

Souvenez-vous, Cécile Coulon, commençait son beau poème-dialogue  par "je voudrais vous offrir des frites".

Je ne sais pas pourquoi cette phrase, que j'aurais pu entendre dans la rue, cette phrase m'a réveillée, étonnée, enchantée.  Il y avait quelque chose de connu, de familier que j'avais envie de lire et de suivre. Peut-être les mots "offrir" et "je voudrais"  qui s'ouvrent comme un parapluie sur une invitation et le mot "frites", court, sonore, et si réaliste, terre-à-terre. Et puis tout le monde aime les frites, et j'avais peut-être envie de frites lorsque j'ai lu son poème. J'ai lu la scène comme une séquence de film. C'est le début de quelque chose, ou peut-être de rien. Juste une rencontre  au bord d'un comptoir.

Cécile Coulon vous accroche dans ses "Ronces".

Je vous donne quelques titres de ses poèmes qui donnent envie de lire sa poésie :

- Les herbes sauvages

- Vivre dans les hautes lumières

- Tout va bien

- L'appartement

- Interlude

- Devant la maison

- Tes mains

Je vous donne le début de :

- Une lionne rouillée

Je suis restée là

calmement dans mon coin

je ne pensais pas

je ne croyais pas

faire autre chose qu'écrire des poèmes

et courir dans les bois ..

 

 

 

La porte du jardin à La Brigue (06)

La porte du jardin à La Brigue (06)

Je vous avais promis de pousser la jolie porte en bois, d'un jardin clos à La Brigue (06) et  d'écrire "un poème de l'instant", rien que pour vous, et qui se déroulerait ainsi :

Je voudrais m'asseoir tout simplement

et arrêter le cours

des gens qui courent

des gens qui regardent

de leurs regards vides

ailleurs

je ne les croise plus

Je voudrais m'asseoir

au Café Vivre

avec Chantal Thomas

Je porterais un chemisier

bouffant

fermé aux poignets

de nacre

et de dentelle noire

de Calais

Dans les premiers soirs doux

d'avril

je reconnaîtrais la fraîcheur de la nuit

et la voix de Chantal Thomas

qui parlerait du Marquis de Sade

et de Jean-Jacques Rousseau.

"J'errais, dans les vallons, je lisais,

j'étais oisif,  je travaillais au jardin,

je cueillais les fruits,  j'aidais au ménage

et le bonheur me suivait partout". (*)

Je ne sais pas si je voudrais de cette existence,

de cette errance.

Je voudrais simplement

m'asseoir au Café Vivre

Avec un chat sur les genoux

qui attendrait et attendrait encore

Qui ? 

je pourrais lire

son infinie patience

aux lignes de son corps

ses pattes de velours reposeraient

dans leur nonchalance

dans leur élégance

Je voudrais simplement

faire un herbier avec ma vie

Je voudrais simplement

m'asseoir près de vous

Nous ne dirions rien

Un livre de Chateaubriand

ouvert sur les genoux

Les Mémoires d'Outretombe

Nous lirions et nous nous enchanterions

des paysages bretons

et des  "franges d'une écume argentée" (**)

l'automne

à Combourg

"Après avoir marché à l'aventure,

agitant mes mains,

embrassant les vents

qui m'échappaient ainsi que l'ombre,

objet de mes poursuites,

je m'appuyais contre le tronc d'un hêtre". (**)

Je voudrais simplement

m'asseoir et écrire un poème

qui  parlerait de ce que je voudrais ...

 

Laurence Noé-Pécheur  (Nice, le 26 avril 2021)

Poème de l'instant

(*) Chantal Thomas   Café Vivre - Chroniques en passant

(**) Chateaubriand - Mémoires d'Outre-Tombe

Refermez la porte doucement derrière vous ? Envoyez-moi vos créations et laissez-moi vos commentaires !

J'aime m'attacher à mon clavier et mon écran pour essayer ... de vivre plus intensément. C'est le pouvoir de l'écriture et de la lecture. Cependant j'aimerais revenir à des instruments plus près de la matière ... c'est à dire que je "voudrais tout simplement"  sentir le crayon glisser sur le papier et le manger un peu au bout, vous savez ? Me salir les mains,  et écrire ainsi, penchée sur la table en bois de châtaigner, et dessiner et lire puis écrire à nouveau, et lire et dessiner et aussi marcher, marcher, marcher et sentir les aspérités du chemin sous les pieds.

 

Si nous sommes créatifs, que ce soit en cuisine, au jardin, à la maison, en amour, en amitié, ou dans un blog, alors nous ne sommes pas complètement enlevés à nous-mêmes ... et nous continuerons d'habiter ce monde ...

Bonsoir et à bientôt de retrouver vos commentaires.

 

 

 

Chantal Thomas

Chantal Thomas

Qui est Chantal Thomas ?

Chantal Thomas est née en 1945. C'est une auteure  que je suis régulièrement pour la beauté de son écriture, élégante et précise. Avec Chantal Thomas, on pénètre  dans les mystères de l'écriture, les interrogations qu'elle suscite, la curiosité qu'elle affine et aiguise.  On peut connaître, au sens de sentir, ce qu'est l'aventure d'écrire, dans son livre "souvenir de la marée basse",  livre sur sa mère Jackie,  et son plaisir de nager. C'est à la fois un livre sur la transmission  entre une mère et sa fille ,mais c'est aussi, une recherche d'écriture au plus près des sensations de l'eau comme élément de vie et de culture à Arcachon et à Nice.

Spécialiste du XVIIIème siècle, elle m'a appris que l'Histoire avec un grand "H",  ce sont aussi des histoires. En lisant "L'échange des Princesses", "Les adieux à la reine", on suit avec passion la vie des femmes du  XVIIIème siècle avec  ses étrangetés,  ses cruautés, et ses fantaisies.  

Par son écriture, Chantal Thomas nous rapproche des hommes et des femmes de ce siècle et transforme notre manière de les voir et de nous voir.

Chantal Thomas est aujourd'hui la dixième femme à occuper un siège d'académicienne. Elle occupe le siège de Jean d'Ormesson.

Les adieux à la Reine

Les adieux à la Reine

L'échange des Princesses

L'échange des Princesses

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LE BERRY, UN SONGE

En Berry - Epineuil-Le-Fleuriel au début du XXème siècle

En Berry - Epineuil-Le-Fleuriel au début du XXème siècle

Aujourd'hui je vous écris à côté de mon jardin plein du chant des oiseaux, de sifflements longs et modulés, de pépiements répétés,  de tonalités diverses, de  gazouillis et de ramages savants. Je voudrais pouvoir décrire facilement ce que j'entends, mais je me rends compte que le langage peine à décrire les sons, tant il agit comme un formidable simplificateur de la réalité, une arithmétique qui tente de rendre la réalité sans atteindre jamais son but. Cependant la réalité est là et m'imprime de sa complexité.

Le moment d'écriture que je choisis est lui-même différent  de celui que je transcris. Je baigne dans une atmosphère chaude de début d'été car ici à Nice, nous sentons déjà l'été plus que le printemps mais le jour dont je veux vous parler fait déjà partie de mon histoire, de l'histoire et une certaine nostalgie vient s'y glisser sans crier gare.

Le moment dont je veux vous parler c'est celui du 12 mai dernier. C'est le matin. Je lis dans Télérama 3664 du 01/04/20 une petite phrase qui chemine sur mes tartines et mon café : "L'écrivain recherche les vibrations qui émanent des lieux". Voilà une phrase qui me parle, me signifie quelque chose. Elle contient tant de choses qui me sont  précieuses pour vivre chaque jour qui se lève et étirer le temps de l'existence.

L'écrivain est Alain Fournier, que j'ai tant aimé dans "Le Grand Meaulnes". J'ai tant rêvé la Sologne, ses marais, ses bruyères, ses espaces infinis et troubles, grâce à Alain Fournier. J'ai plus rêvé  la Sologne que l'Amérique qui m'arrivait à travers des stéréotypes, des paysages et des personnages filmés. Ici s'étendait la Sologne et ses mystères, si proches, soufflant une haleine de brouillards, d'histoires d'amour impossibles, de personnages qui me hantaient longtemps. Je compris "les Riches Heures du Duc de Berry". J'avais dix-sept ans.

C'est ainsi que cette petite phrase "l'écrivain recherche les vibrations qui émanent des lieux" et la carte postale du Vieux Moulin d'Epineuil-le-Fleuriel me plongèrent dans une contemplation toute entière tournée vers le Berry et me conduisirent à écrire :

Mon regard s'arrête

sur la photo vieillie

d'une carte postale,

Profil d'une Marianne

Bonnet phrygien

Boucles en cascade 

Rouge sang

geste grec et dansé

D'une semeuse

Elle ensemence la terre

et son dos en cadence

tourne sur sa taille vers nous

ses hanches légèrement de face

Dix centimes

Un timbre

cadences

République Française,

Lumière d'août

Début du XXème

Jaunes et gris fanés

En Berry - Epineuil-le-Fleuriel

Cette suite de notes

Lieux en musique

Fugues d'ombres et de clartés,

Je les contemple

comme on contemple

des images graphiques

mélodiques

En Berry, Epineuil-le-Fleuriel

Une pluie de è, é, e, èl, eu, euil,

Cousines voyelles,

Ouvre des paysages

Doux et vallonnés

Et montre un moulin

Caché par des peupliers

Blancs

Et une famille, nombreuse,

Des femmes

Est-ce la guerre ?

On y entend comme le bruissement d'un paradis

Une terre d'abondance maternelle

Au goût de miel.

                                  Poème de  l'instant

                                  Laurence Marie  Noé

                                  Le 12 mai  2020

                                  à Nice

 

Lorsque  j'eus terminé de rêver le Berry,  pays ô combien exotique et parcouru d'histoires et de légendes, je décidai d'aller chercher un livre de George Sand. Jamais jusqu'alors, je n'avais ressenti l'envie  impérieuse d'acheter un livre de George Sand.

Je trouvai le jour même, dans la librairie "Les Journées Suspendues" à Nice,  qui ouvrait après deux mois d'interruption,   "La Mare au Diable" chez folio classique.

La Mare au Diable est précédé de propos de l'auteur, qui sont des réflexions d'écriture. Comment en est-elle arrivé à écrire "La Mare au Diable" ? Elle s'adresse au lecteur, mais je pense également aux critiques, qui vont toujours bon train, lorsqu'il s'agit d'histoires simples d'hommes et de femmes simples (j'entends par simple, des histoires qui se veulent des histoires, avec un début, un milieu, une fin et par gens simples, des gens modestes, qui  ne font pas partie des milieux bien informés de l'époque, c'est à dire des gens cultivés, de l'aristocratie, de la bourgeoisie, ou de la ville, c'est à dire Paris). Bien sûr, simple ne veut pas dire simpliste.

Elle appelle la série de romans dont fait partie "La Mare au Diable", ses romans champêtres. Elle affirme "je n'ai eu aucun système, aucune prétention révolutionnaire en littérature".

"Je n'ai rien fait de neuf en suivant la pente qui ramène l'homme civilisé aux charmes de la vie primitive. je n'ai voulu ni faire une nouvelle langue, ni me chercher une nouvelle manière". 

"... la critique en cherche si long, quand l'idée la plus simple, la circonstance la plus vulgaire, sont les seules inspirations auxquelles les productions de l'art doivent l'être". ..... "une scène réelle que j'eus sous les yeux dans le même moment, au temps des semailles, voilà ce qui m'a poussé à écrire cette histoire modeste, placée au milieu des humbles paysages que je parcourais chaque jour";

"Si on me demande ce que j'ai voulu faire, je répondrai que j'ai voulu faire une chose très touchante et très simple, et que je n'ai pas réussi à mon gré. J'ai bien vu, j'ai bien senti le beau dans le simple, mais voir et peindre sont deux !"

"Tout ce que l'artiste peut espérer de mieux, c'est d'engager ceux qui ont des yeux à regarder aussi".

 

 

 

 

 

 

Une femme passionnée et passionnante. Une femme très contemporaine.

Une femme passionnée et passionnante. Une femme très contemporaine.

"Par le rêve, la méditation et la prière, je m'évade loin, si loin" "La terre est en train de mourir et de s'appauvrir et l'homme par besoin de s'enrichir et par cette avidité incroyable,ne comprend pas qu'il est en danger" G. Sand

Ce sont ces mots qui précèdent le roman  lui-même, qui m'ont poussée jusqu'à la librairie. Je savais que j'y découvrirais quelque chose  comme de l'art de lire et d'écrire, qui est mon chemin. 

Lisons ensemble George Sand et la "Mare au Diable" et laissons nous entraîner dans ce Berry de sortilèges, et de légendes. 

Je vous invite également à noter des réflexions, des moments de lecture. Avez-vous été touché (e) par "la Mare au Diable"? Avez-vous été transporté (e)  par le génie de cette auteure méconnue, qu'on ne lit plus guère et qui pourtant fait preuve d'une grande contemporanéité d'esprit et de langage. 

Les préoccupations de nos frères humains du XIXème siècle, sont les mêmes qu'aujourd'hui, (l'amour, le mariage, le travail, la femme, l'homme, les enfants, la nature, la mort),

et leur manière de percevoir le monde jette une lumière mélancolique sur notre époque.

                                          --o00o--

Ecoutez également :

George Sand, vie singulière d'une auteure majuscule, sur France-Culture :

George ou le souvenir d’enfance

L’enfance hante l’oeuvre de George Sand, elle ne cesse d’y revenir, de recomposer ses souvenirs troués, d’en chercher le sens. Parce que George Sand marche dans les pas de Rousseau, elle prend l’enfance au sérieux, la sienne et celle des autres. 

Elle écrit des histoires où les enfants parlent aux arbres, inventent des potions magiques ou se perdent dans la forêt. Sans mièvrerie, pédagogue dissidente, elle fait l’école à ses enfants, chante et herborise avec ses petites-filles. Et c’est comme ça, fille, mère, puis grand-mère qu’elle réinvente la filiation. L’enfance comme un fil rouge, une clé pour comprendre la vie et l’oeuvre de George Sand.

Un songe d'âge d’or, un mirage d’innocence champêtre, artiste ou poétique m’a prise dès l’enfance et m’a suivie dans l’âge mûr. George Sand

Textes de George Sand cités :

  • Histoire de ma vie
  • La Petite Fadette
  • Contes d’une Grand-Mère
  • Correspondance éditée par George Lubin chez Garnier Frères

Publications en lien avec l’émission :

  • Martine Reid, George Sand, Paris, Gallimard, 2013
  • George Sand, Histoire de ma vie, éd. Martine Reid, Paris, Gallimard “Quarto”, 2004

Intervenants :

  • Michelle Perrot, professeure émérite d’histoire à l’Université Paris VII-Diderot.
  • Martine Reid, professeure de langue et littérature françaises à l’Université de Lille-III.
  • Christine Planté, professeure de littérature française du XIXe siècle à l’Université Lumière-Lyon-II
  • Anne Verjus, chercheure en histoire politique au CNRS.
  • Mona Ozouf, historienne, directrice de recherches au CNRS.

 

 

 

 

Le début plein de charme du roman "la mare au diable"

Le début plein de charme du roman "la mare au diable"

Au domaine de Nohant

Au domaine de Nohant

Je vous donne d'autres références à lire sur le Berry, la terre de George Sand.

Article de Télérama - Voyager Autrement - Ici se rencontrent les esprits

N° 3657 12/02/20

 

 

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LE SEL DE LA VIE : L'HERITAGE DE FRANCOISE HERITIER

J'ai connu Françoise Héritier récemment, grâce à l'émission télévisée "La Grande Librairie", de François Busnel. J'avais beaucoup apprécié sa façon de parler et de réfléchir.  Née le 15 novembre 1933 à Veauche dans la Loire (France) elle est  morte le 15 novembre 2017 à Paris.

Puis j'ai cherché un livre d'elle à la bibliothèque, son expérience d'anthropologue et d'ethnologue m'intéressait. Cela lui donnait un point de vue distancé sur sa propre vie, qu'à la fois elle vivait et observait. Je revins à la maison avec un petit livre qui me mit l'eau à la bouche  : "Le sel de la vie".  Un livre publié chez Odile Jacob de 87 pages.

J'ai senti qu'avec Françoise Héritier, j'avais rencontré une écrivaine, que je pourrais lire et relire et qui pourrait m'accompagner, comme une amie dans mes petits travaux d'écriture, qu'elle pourrait être une guide.

Les titres sont importants, ils nous attirent, nous séduisent  ou nous rejettent. "Le sel de la vie" m'intrigua tout de suite, et j'entrais dans ce petit livre par quelques mots qui résonnent en moi comme les notes d'un instrument à cordes.

Mais le mieux est de l'écouter parler de son livre et comment il est né, d'en connaître la source, l'élan,  le "terreau" qui ont été ses appuis.

 

 

 

 

Merveilleuse Françoise Héritier. Je goûte ses mots passionnément, et je m'y retrouve.

A lire légèrement et profondément

A lire légèrement et profondément

Certains mots utilisés par Françoise Héritier comme je vous l'ai dit, font sonner des cordes intérieures, très profondes. Si vous avez lu mes précédents articles, vous allez les reconnaître. Ce sont les mots de "grâce", de " légèreté de l'être", de "terreau", de "mouvement".

Le projet de ce livre est de commencer par quelques mots, c'est ce qu'elle appelle "une fantaisie", née au fil de la plume et de l'inspiration.

Par des associations spontanées avec d'autres mots, Françoise Héritier nous invite à parcourir un chemin de "sensations, d'émotions, de petits plaisirs, de grandes joies, de profondes désillusions parfois et même de peines. Mais son esprit se tourne plutôt vers des moments lumineux.

Elle nous dit dans sa préface : "C'est donc une énumération  qui suit, une simple liste, en une longue phrase, qui est venue ainsi toute seule par à-coups, comme un grand monologue murmuré".

Ces mots murmurés pénètrent en nous. Ils sont très précieux, car ils nous invitent à "ne pas nous laisser déposséder par notre vie active, un entourage dévorant, un travail obsédant, des responsabilités multiples accablantes."

Le livre de Françoise Héritier nous propose également de prendre la plume, tout simplement. Ce sera notre atelier d'écriture d'aujourd'hui,ou de tous les jours :  écrire une phrase, en une énumération, comme un  poème en prose en hommage à la vie. cet atelier peut convenir à tous les âges.  5 lignes minimum, une page maximum.

(Voici un petit florilège, dans le désordre, de ces fiorettis souriants et entraînants) : Le continuer, en une seule phrase, séparée par des virgules. C'est un exercice d'écriture savoureux.

- traverser une rivière à gué ou en sautant de pierre en pierre

- écouter ruisseler l'eau d'un torrent

- préparer le thé

- trouver belles les éoliennes

- détester l'atmosphère des soldes

- donner rendez-vous au bout du monde mais dans un lieu très précis (et dans six mois) à quelqu'un qu'on aime et ne pas retrouver l'endroit 

- manger un sandwich dans la rue

- caresser

- être caressé

- embrasser

 

 

 

 

 

 

A vos plumes, j'attends impatiemment de vos nouvelles.

Vous pouvez les envoyer à mon adresse : plauranice@gmail.com

(French, English, Spanish, Italian, even German  accepted)

 

 

 

 

Pour en savoir plus :

Article du Monde du 16 novembre 2017

L'anthropologue Françoise Héritier, femme de combats.

C’est une grande anthro­po­logue, une intellectuelle à la fois discrète, modeste et mondialement reconnue, une femme de courage à la douceur infinie, qui est morte dans la nuit du 14 au 15 novem­­­bre. Atteinte de polychondrite, une maladie rare pour laquelle elle était soignée depuis 1983, Françoise Héritier a succombé à une rupture de l’aorte, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

« C’est la plus grande anthropologue de sa génération », témoigne l’africaniste Emmanuel Terray. « Elle a poussé le structuralisme plus loin que Claude Lévi-Strauss ne l’avait fait lui-même », assure l’ethnologue Marc Augé, qui fut son mari pendant vingt ans. « Elle s’est battue avec toute la force de son intelligence pour affirmer les droits des femmes et leur volonté de se débarrasser de cette domination masculine », explique Salvatore D’Onofrio, professeur à l’université de Palerme et membre du Laboratoire d’anthropologie sociale.

Ses champs de recherche sont impressionnants et couvrent aussi bien les rapports entre le masculin et le féminin que la mécanique des liquides corporels, l’inceste que la contraception, la différence que la violence.   (...)

Françoise Héritier, en 1987.
Françoise Héritier, en 1987. Martine Franck / Magnum Photos

Mais Françoise Héritier toucha plus récemment le grand public en publiant Le Sel de la vie (Odile Jacob, 2012), livre au succès immense, grand monologue sur ces ­ « moments fugitifs de grâce » qui composent une vie, relevé précis mais sans préciosité de ses « trésors intimes », « florilège de sensualité » où l’anthropologue devenue écrivaine des bonheurs quotidiens évoque le plaisir de « marcher à contre-courant » ou de « regarder les branches secouées par le vent ». C’est pourquoi Marc Augé, dans un texte à paraître dans un numéro des Cahiers de l’Herne qui sera consacré à Françoise Héritier en 2018 et que Le Monde publie ci-contre, décèle dans cet ouvrage l’empreinte de ce « matérialisme tranquille » qui vient de loin. De sa longue fréquentation des Samo du Burkina, à l’évidence, mais aussi de son enfance.

D’ascendance paysanne – la branche paternelle de la famille est composée d’Auvergnats du Livradois et celle de sa mère est originaire de la Bourgogne du Charolais –, Françoise Héritier est « une enfant de la seconde guerre mondiale », dit-elle dans Une pensée en mouvement (Odile Jacob, 2009), montage d’entretiens retraçant l’itinéraire de la chercheuse.  (...)

Elle aurait préféré passer une licence d’histoire tout court, mais, pour les filles, cette discipline était nécessairement couplée à la géographie. Férue d’égyptologie, elle ignore l’ethnologie. Mais une bande d’étudiants en philosophie l’emmène au Musée de l’homme suivre un séminaire enthousiasmant. C’était celui de Claude Lévi-Strauss. Et ce fut « la révélation de [sa] vie ». Il faut imaginer l’émerveillement de la jeune femme qui ouvrait des yeux « comme des soucoupes » à l’écoute des exposés du « maître » sur le vasu fidjien (le privilège qu’a le neveu utérin sur les biens de son oncle maternel, aux Fidji) ou sur la chasse aux aigles chez les Hidatsa (épreuve en forme de rite de passage au cours de laquelle les jeunes hommes de cette population d’Indiens d’Amérique du Nord devaient prélever sur un aigle vivant des plumes qu’ils arboreraient dans leurs futures coiffes).

 

 

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UN REVEILLON AVEC LOUISE BOURGEOIS - New Year's eve

"I've been to hell and back" Louise Bourgeois 1996

"I've been to hell and back" Louise Bourgeois 1996

"I've been to hell and back and let me tell you it was wonderful" 1996.

Louise Bourgeois a brodé ces mots sur plusieurs mouchoirs carrés de couleur pastel (rose, bleu), de 29.5 cm x 29.5 cm.

Le texte et le médium utilisés renvoient à sa vie personnelle. Ses parents restauraient des tapisseries. On voit bien ici que ces mouchoirs brodés répondent à une image cliché des femmes, qui font des travaux de broderie à la maison. Cependant cette image est altérée par le message "I've been ..." (Je suis allée en enfer et j'en suis revenue, et laissez moi vous dire, c'était merveilleux).

En nous laissant ces mots brodés, Louise Bourgeois interroge le rôle de la femme, et le sien en particulier, qui s'inscrit à la fois dans une continuité (ses parents restaurateurs de tapisserie) et dans une rupture (le message).

 

En ce jour du 31 décembre, je me suis mise à écrire, avec une certaine délectation. Mes amis et amies n'étaient pas encore rentrés, et comme c'est un peu une date sensible où l'on se retourne sur l'année écoulée, et où l'on regarde devant soi, j'ai voulu la célébrer en écrivant dans mon blogue, qui est un exercice d'écriture complet, du moins je le considère comme tel, où des lecteurs me rejoignent. Un peu de nostalgie a réussi malgré tout à s'inviter. Je l'ai accueillie  telle une compagne un peu embarrassante, mais je n'ai pas cherché à la repousser comme une intruse, je savais que ce serait peine perdue. J'ai ainsi reçu les mots qui se sont présentés avec elle, sans invitation, sur le vif, comme je les aime, toujours étonnants lorsque j'arrive à les rassembler tous dans un atelier-plume, léger, volatile,  et doux au toucher. Bref, j'étais seule, cela arrive.

Je suis allée voir Louise Bourgeois, du côté d'internet,  pour en connaître un peu plus sur cette artiste d'origine française et mondialement connue. C'est en retrouvant une carte postale montrant ses petites broderies,  que j'ai décidé de chercher et de lui faire une visite virtuelle.

Le photographe, Jean-François Jaussaud a fait un livre sur elle : Femme-Maison, aux éditions Albin-Michel, avec une préface de Marie-Laure Bernadac et Xavier Girard. Dans ce livre, il témoigne de son amitié, et mêle des photos  de sa maison de Chelsea, et de son atelier à Brooklyn, de ses sculptures, de ses notes et de ses "pensées-plumes".

A nouveau, je me trouve en relation étroite avec cette artiste. Atelier-plume, pensées-plumes ... concordances, coîncidences, correspondances ... Cela m'entraîne plus loin. Quelles sont ces pensées-plumes qui semblent être les siennes et peut-être les miennes ?

Elle dit : " Il n'y a que deux choses qui comptent dans notre vie amoureuse : la table de la salle à manger où nos parents nous ont fait souffrir. Et le lit où on s'allonge avec son mari. C'est là que les enfants sont nés et c'est là que l'on va mourir. En réalité ces deux objets font la même taille, ils ne forment qu'un seul et même objet".

J'écris :

Etude rectangulaire de la vie, simplifiée à l'extrême, dépouillée.

Je continue mes recherches et écoute sur Youtube, une conversation en anglais avec Jerry Gorovoy.

Jerry Gorovoy était l'assistant de Louise Bourgeois pendant plus de trente ans. Il a une connaissance profonde de son travail  et a joué un rôle clé dans le développement et la création artistiques de Louise Bourgeois, comme elle l'a si souvent souligné elle-même. C'est grâce à lui que beaucoup de ses oeuvres purent  naître et exister. Le thème central de cette vidéo est la réflexion sur la signification des oeuvres de Louise en tant qu'artiste et son rôle phare pour une génération d'artiste. Vous pouvez trouver cette vidéo très facilement sur Youtube.

Les réflexions sur l'art, les choix possibles, guident souvent mon petit atelier "dans un trou de verdure à Nice"  et l'écoute de Louise "m'ouvre à" ou confirme des choix que j'ai déjà faits.

Louise dit : "I'm not what I say, I'm what I do" ("Je ne suis pas ce que je dis, je suis ce que je fais" - voir vidéo Youtube : A prisoner of my memories (prisonnière de mes souvenirs).

Elle dit aussi : "I transform hate into love" (je transforme la haine en amour") "trying, failing and doing it again" (m'essayant, échouant et le faisant à nouveau).

Louise lost her mother when she was 21 and had to burry her son. (Louise perdit sa mère à 21 ans et enterra l'un de ses fils).

Cela donna lieu à un livre écrit avec Tracey Emin "Do not abondon me" (ne m'abandonne pas), où l'on peut admirer   les nombreuses aquarelles qu'elles se mit à peindre.

Louise Bourgeois est surtout connue pour ses sculptures gigantesques d'araignées, elles-mêmes enfermées dans des grillages de fer qui laissent voir l'intérieur et leur ventre  rempli d'oeufs.  Métaphore inquiétante de la mère, à la fois protectrice et dangereuse. Vous aimerez les araignées de Louise Bourgeois et sûrement, vous les regarderez autrement chez vous, avec amour.

La connaître autrement,  par ses paroles, ses mots, éclaire son oeuvre et nourrit mon petit atelier portatif, (mon atelier-plume) portant des oeufs prêts à éclore. Va-et-vient d'images, de mots, de pensées lourdes ou plumes. Il n'y a peut-être pas de pensées-plumes sans pensées-lourdes.

C'est alors que je me rendis compte de l'état d'abandon de mon lit, déserté et défait, dans sa rectangularité.

Je vois mon lit défait

chaud de la nuit

Pâle et plein de rides

Un chat y sommeille

Il se met en coussin

Les vibrisses en alerte

A tous les silences

Qui traversent

buissons épineux

Le jour qui pointe son nez humide

Tout replié

Tout ramassé

Tout en lui-même

Tout en écoute

En attente de rien

Il respire pourtant

Tout en-dedans

Tout en-dehors

Un petit coussin,

Tout échevelé,

Qui monte et qui descend.

Le 31 décembre 2019 ,  Nice  (poème de l'instant - une expérience de traduction - Sur la rive d'une année nouvelle)

I will continue in English and give a translation of  this poem of that very moment, in its platitude and triviality. However it is special and unique, and the color of it is quite nostalgic. It came like this ... and I didn't do anything to restrain it.

 

I can see my bed now

all messed up still

warm of the pale night

and deeply wrinkled

A cat is looking for a place to sleep

Like a pillow he is

all coiled up

His shrublike moustache

on alert

is listening to silences

Which pass through the daylight

 Shows its muggy nose

All withdrawn into himself

and all stocky

All within

All listening

And waiting for nothing

breathes though

All within

and all out of himself

A little hairy pillow

He was,

dishevelled,

that goes up and down.

Laurence Marie Noé (a poem of the instant - an experience of translation). On the shore of a new year.

English and other foreign languages, which I continue to study, send me back to my own mother tongue, and add a special color to it, the color of strangeness, (étranger/étrangeté),  novelty, and freshness. English for example makes strange something very common, very ordinary and normally flat, but as  the music of English sounds differently,  French suddenly appears  new and echoing differently too. It's a good experience to translate and  try another language in a poetic way of writing. This is the reason why I started this workshop. To experience something new and very tasty  and in the end, very exciting. When you come back to French, you can hear it as if you were speaking a new language and as if it were the first day you can speak it. It opens new frontier of writing because it a new and everlasting experience. Try it if you can, and for the moment just keep it as an opportunity or a possibility which can be lived and felt.  Translating (it's like an incredible journey, you can fly through meanings, and signs, and words and grammar altogether), it makes you shift to something else you do not know yet.

Le mot "translation"  existe en français également et signifie "transfert" - donc voyage en quelque sorte. Ce mot est littéraire  et porte en lui l'action de déplacer quelque chose ou quelqu'un. Il s'agit  donc bien ici (dans l'écriture et la traduction dans une autre langue) de la possibilité d'une expérience d'étrangeté, et  d'ailleurs, pareille au voyage, celui qui vous fait traverser les signes et significations, les mots et la grammaire comme un paysage. L'atelier d'écriture peut mener où l'on veut et prendre des formes infinies, qu'une vie ne suffira pas à épuiser.

C'est aussi cette réalité que je voudrais partager et essayer de vivre pas à pas, expérimenter, chercher, essayer, se tromper et recommencer ... sans se restreindre. Tout est possible, comme dans l'art contemporain.

"JUST LET THEM BE"

This article is bilingual, I'll continue in English as I picked up the impulse from Louise's voice and words and from what she said about her creation,  and about the thoughts that she bore while creating such as her feather-thoughts (ses pensées-plumes). These "pensées-plumes" drew me to know more about her, and to know what she meant with that material, in her creative hours.

She says her ideas and thoughts are like flies and butterflies, you have to catch them. And then Louise, what do you do with them ? I just let them  be and create at the same time with what they are".

I think these words are very important in the act of writing and we should keep them in mind as a truth inside of us.

Traduction : Comme je voulais savoir ce que Louise entendait à propos de ses "pensées-plumes", elle dit que ses idées et ses pensées étaient comme des mouches et des papillons, qu'il faut les attraper au vol. Et alors, Louise, qu'en faites-vous de ces pensées-plumes ?  Je les laisse être ce qu'elles sont et je crée en même temps.

Nous pouvons apprendre beaucoup de ces artistes, qui en même temps qu'ils créent réfléchissent à leur création. C'est ce que nous ferons pas-à-pas au cours des ateliers, du moins c'est ainsi que je les voudrais.

Ecrivez dans vos carnets "vos pensées-plumes", laissez les voler et écrivez en même temps comme elles se présentent. C'est l'esprit de cet atelier, volatile !

 

 

"maman" de Louise Bourgeois - 1997

"maman" de Louise Bourgeois - 1997

Vidéos :

Interview with Jerry Gorovoy (in English)  vidéo

Boom Bang - Louise Bourgeois entretiens

Louise Bourgeois une vie - youtube

Louise Bourgeois - l'araignée la maîtresse et la mandarine

 
 
 
 

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ELOGE DES VAGABONDES

fragiles graminées dans un terrain vague avenue Cyrnos à Nice

fragiles graminées dans un terrain vague avenue Cyrnos à Nice

Les plantes voyagent. Les herbes surtout.
Elles se déplacent en silence à la façon des vents. On ne peut rien contre le vent.
En moissonnant les nuages, on serait surpris de récolter d'impondérables semences mêlées de loess, poussières fertiles. Dans le ciel déjà se dessinent d'imprévisibles paysages"
Gilles Clément in Eloge des vagabondes - herbes, arbres et fleurs à la conquête du monde

NiL éditions, Paris 2002

Cela fait plus de quarante ans que je me pose la question de savoir ce que je recherche dans l'écriture, quel élan vital me pousse vers elle et vers la lecture, les vagabondages  sont une quête souvent fructueuse et très vivifiante. Ils m'obligent à m'interroger et à réfléchir sur mon état d'être vivant, et je reviens de mes escapades autour de chez moi, riche de récoltes de mots, d'observations, les joues rouges et et les yeux grand ouverts sur le monde. Le bonheur est un état qui circule, comme le sang qui  nourrit, il est là et souvent nous passons  à côté. Mais je ne cherche pas le bonheur au sens moderne du terme, je cherche à me sentir vivante au milieu d'autres êtres vivants, à travers les mots qui me sont donnés et le sens que je leur donne. C'est là que naît la création d'un monde précieux qui me ressemble et avec lequel je me sens de connivence et en correspondance.

Je vous propose aujourd'hui de découvrir un atelier d'écriture et de lecture à vélo dont la seule contrainte que je me suis imposée était de faire des arrêts et de troquer mon léger hippocule (*), pour mon carnet et un crayon pour noter ce que je vois, ce qui me vient à l'esprit, dans le moment présent et à travers tous les pores de ma peau.

Voilà ce que cela a donné. Peu importe le résultat, c'est l'élan vital qui compte. Mais ramener de petits fragments ainsi récoltés, a rempli tout mon espace de réflexion, et tout l'après-midi. C'était délicieux, et j'espère que ces éclats rendront compte du plaisir que j'ai pris à les cueillir, tels quels, dans leur nudité et innocence.

(*)hippocule : petit véhicule que l'on fait avancer en le chevauchant. C'est un néologisme que je me suis amusé à inventer .

Souvenir du 20 mars 2015, Nice

J'écris :

Rêver les arbres, les animaux ou les hommes et leurs demeures, rêver dans la ville où je vis qui est ce qu'elle est et bien plus encore, ce que j'en fais. Habiter, c'est déjà créer, une histoire, une légende, des liens et des lieux de lecture et d'écriture. Limites infinies du rêve, mon plus grand voeu serait de pouvoir créer des instants partagés.

http://www.ubarius.com/category/web-vagabond/

Je suis allée voir ce blogue vagabond. Il est très beau, notamment la photo de Rauba Capeu, prise à Nice en bord de mer, entre Promenade et port par un photographe du nom de Christophe Jacrot. (à suivre)

Je lis :

La Vague (Yasushi  Inoué) - Nouvelle dans Pluie d'orage (Stock)

page 61

"A la fin de la première leçon, Mme Tamiya se leva et lut de sa jolie voix transparente une poésie de Jules Romains intitulée "Ode" traduite par Fumaki. C'était la seule chose qu'elle ait notée sur son petit carnet.

Je n'attends rien,  je ne veux rien

Que la paix de cette vallée.

Et je n'ai pas besoin non plus

Que le présent soit éternel".

Page 84

"Devant la maison, au-delà du chemin, trois ou quatre carrés de rizières se succédaient en plateaux successifs descendant en pente douce, après quoi le terrain plongeait brusquement, se dérobant au regard. Beaucoup plus loin, une multitude de cultures en terrasses tapissaient le versant opposé de la vallée en haut duquel était juché le village voisin dont chaque maison s'ornait d'un bouquet de bambous ou d'un petit bois. Une route serpentant à travers champs zébrait toute la pente. Le village était enserré dans un cirque de collines couvertes de frondaisons où se remarquaient les taches claires des bambous secoués par le vent, qui semblait assez violent à cet endroit. Ce paysage délicat s'étendait jusqu'à la ligne de crête des monts Amagi, distante de douze kilomètres".

Cette attraction qu'exerce sur moi ce petit texte, lu dans la courbe de l'avenue Cyrnos, qui monte raide jusqu'au Righi, par le Nord de la ville, vient-elle des "Monts Amagi" que j'imagine pleins du mystère de cet Orient lointain, ou bien de la proximité silencieuse des collines niçoises qui me poussent à les parcourir toujours et toujours, comme un Orient familier ?

Sur la colline qui me fait face, côté est, la très belle villa Arson, école d'Art contemporain. Toujours face à moi, côté est, un peu plus bas, le petit cimetière de Saint Barthélémy, blotti au soleil.

Dans une impasse, située sur l'avenue de Pessicart, en arrivant au Righi, j'arrive à un point de vue. La ville blanche et ses dômes colorés s'étendent  devant le bleu immense de la mer. Au milieu de gravats poussent de graciles graminées qui penchent la tête.

De retour chez moi, j'écris :

" Etre une vagabonde

Etre une graminée

Il faut pour cela

Etre quelque part

Un bon livre toujours

Aujourd'hui Yasushi Inoué "Pluie d'orage"

Un carnet un stylo une mine de plomb

Un vélo peut-être

Le ciel

Et des désirs

Des désirs

D'étrangeté

De tendresse

Tout près

Un homme ses cheveux blancs

Il est venu à moi me parler

Devant une friche où je prenais

Des photos de vagabondes

Il m'a raconté l'histoire

De ce trou béant bouche ouverte

où s'ensemencent les herbacées

Légères comme des cheveux

C'était une villa...

Un autre inconnu m'a souhaité

Bonne promenade

Il a souri

Lassé s'envoler

La méfiance

Est-ce que quelqu'un qui écrit

Sur des carnets suscite ...

Des croisements

Dans un espace

Celui qui ouvre ses yeux, un livre,

Un carnet

Celui qui écrit là, que peut-il écrire .

Cette lenteur

Je voulais la partager

Mais avec qui ?

Devant moi le bleu immense troue

le ciel immense.

Au cours de cette échappée dans les collines, j'ai voulu aussi retrouver Bonnard, au Bosquet et sa "terrasse ensoleillée" du Cannet. Comme Bonnard je veux garder en poche un carnet où je consigne les choses de la vie. Dans ceux de Bonnard, témoins touchants d'une vie simple parmi les tableaux immenses de lumière et hurlant de couleurs, on pouvait lire "pluie le matin, beau temps dans la journée" ou la liste des courses "cigarettes, pinceaux, charbon, petits-beurres", les couleurs "bleu-violet, violet sous l'influence du ciel bleu". Ainsi, chaque matin, comme un rite, avant même le petit déjeuner, il part "faire une provision de vie" autour de sa maison ou plus loin dans les collines du Cannet". Les relations obsessionnelles qu'il entretient avec le climat, les saisons, les paysages sont source d'inspiration inépuisable pour la peinture.

"Je ne m'ennuie pas car j'ai travaillé et je suis devenu paysagiste non parce que j'ai peint des paysages mais parce que j'ai acquis une âme de paysagiste ayant fini par me débarasser du pittoresque, de l'esthétique et autres conventions dont j'étais empoisonné". Cher Pierre Bonnard, cher peintre nomade.

http://www.museebonnard.fr/pierre-bonnard/bonnard-au-cannet/le-cannet-peint-par-bonnard

 

Vous pouvez ainsi constater que mes lectures inspirent le paysage qui m'inspire à son tour et en retour inspire des écrits, par des rebonds, allant de l'un à l'autre et qui se répondent en échos.

Demain je vous ferai part de deux découvertes de lecture, au bout de ma rue. Il suffit parfois de pousser une porte et d'entrer.

Avez-vous écrit depuis que vous me lisez ou bien lisez-vous autrement depuis que vous me lisez, si vous me lisez, comment savoir si vous ne m'écrivez pas ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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DE LA LECTURE AUX ECLATS D'ECRITURE

poirier en fleurs Boulevard Borriglione à Nice

poirier en fleurs Boulevard Borriglione à Nice

Le précédent article que j'ai écrit s'intitule : "les éclats de lectures vagabondes". Quand je l'ai écrit, j'ai d'abord pensé à des morceaux de lectures, comme des petites pièces de musique, ou des morceaux de verre éclatés.

Ces morceaux de lectures, ou  ces éclats de lecture contiennent en eux-mêmes un jaillissement, une source à laquelle je viens m'abreuver, lire et relire.

Ces éclats ont aussi été produits par  une éruption, une lumière,  un élan. Et leur vitalité  produit aussi un désir d'écrire. Leur luminosité reste en mémoire.

Ainsi les  poèmes de Rimbaud  contiennent des éclats qui viennent s'imprimer dans mes souvenirs. Certaines lectures sont si riches en sensations qu'elles viennent en aide au moment d'écrire.

 

 

In 'Les illuminations" de Rimbaud, je vous invite à relire Aube

 

J'ai embrassé l'aube d'été.

Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombres ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.

Le première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.

Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.

Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. A la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassai.

En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.

Au réveil il était midi.

Vous pourrez trouver ce poème en prose, en audio à la référence ci-dessous.

17 Arthur Rimbaud_ Aube.m4a

Mais ce qui est encore mieux, c'est de le dire à voix haute, pour soi et faire résonner les sons et les images qui s'inscrivent dans un mouvement de caméra. (en travelling)

Cette lecture à voix haute correspond à

MON ATELIER PREFERE : LES ECLATS DE L'AUBE (4)

Catégorie : Les ateliers d'écriture

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JETS DE LECTURES VAGABONDES

fragment d'un tableau de Twombly - sans titre - 2007

fragment d'un tableau de Twombly - sans titre - 2007

Un atelier d'écriture quel qu'il soit, nécessite que je parle de mes lectures, des joyaux que je découvre au fur et à mesure.

1) lecture et écriture d'un fragment de tableau

En couverture, j'ai mis un éclat d'une oeuvre de l'artiste américain Twombly, Sans titre, 2007. (Acrylique, crayon à la cire et crayon de couleur sur panneau de bois). Ce choix montre que  le geste et l'écriture sont intimement liés. La force du geste, dans son élan ne s'embarrasse pas  de conserver la forme d'une fleur (comme écrasée, éclaboussée) ni de rattraper les coulures. La puissance de l'élan est ce qui compte. Le sentiment qui s'en dégage est violent, les couleurs contrastées.

"Twombly dit à sa manière que l'essence de l'écriture, ce n'est ni une forme ni un usage, mais seulement un geste, le geste qui la produit en la laissant traîner : un brouillis, presque une salissure, une négligence". (in préface de Roland Barthe du catalogue raisonné des oeuvres sur papier de Cy Twombly (1979). L'artiste semble ne pas vouloir achever son oeuvre, au sens où on l'entend, c'est à dire à achever une forme (ici des fleurs) et lui préférer le mystère et la force de  l'intention de départ, qui crée le mouvement vers la vie ou vers sa décomposition. Ainsi l'élan est intact jusqu'à la fin.

Pourquoi raconter tout cela ? Quelle est la relation avec l'atelier d'écriture ?  Le tableau dans sa finitude, ses limites spatiales, variables à l'infini, devient un atelier en soi, où s'inscrivent  des signes, des couleurs, des lumières, des émerveillements qui viennent se mêler à des lectures, des voyages, des observations, comme la littérature.

Mon atelier d'écriture, je le voudrais dans ce format poétique, qui permet des fragments, des éclats de lectures, partout où nous pourrons nourrir cet élan vers une création écrite. L'atelier en lui-même emplit nos pensées, oriente nos lectures, et sa cohérence nous apparaîtra et nous sera révélée. Alors les notes prises  dans nos carnets, nos observations, nos souvenirs, les livres que nous avons lus s'ordonneront selon un ordre qui pour nous, fera sens. (Le sens étant proche et indissociable de la sensibilité qui nous est personnelle, et qui peut s'affiner, s'aiguiser).

Je vais bien sûr vous proposer des lectures, que vous pourrez vous approprier, et rajouter à vos expériences et que nous pourrons partager.

Pour le moment, vous ne voyez pas bien où je veux aller. Je ne vous donnerai jamais d'injonctions, de restrictions, de limites, je ne vous donnerai pas non plus de "trucs", de "prêt-à-écrire", de trousses à outils d'écriture.

Je ne vous donnerai pas non plus "d'il faut que", car le problème reste entier pour porter un regard neuf sur la langue, quand celle-ci semble de plus en plus formatée, et semble de plus en plus une langue usée par un espace public lui aussi formaté et lissé. (auquel on enlève toute aspérité, coulure, salissure).

2) Lectures de quatrains

François Cheng "Enfin le royaume" Gallimard

Par sa forme brève, le quatrain rythme le flux de la pensée, de l'émotion, de la surprise. Il s'intéresse plus à comment initier un questionnement, amorcer une méditation, esquisser un chant. Le pouvoir des quatrains semblent ainsi résider dans ce commencement, cette origine, cette amorce de méditation. Notre pensée reste suspendue et cherche à nouveau dans le quatrain suivant la naissance de ce moment délicat (ce que j'appelle l'élan).

A ceux qui habitent la poésie,

Tu ouvres les volets, toute la nuit vient à toi,

Ses laves, ses geysers, et se mêlant à eux,

Le tout de toi-même, tes chagrins, tes émois,

Que fait résonner une très ancienne berceuse.

 

Au crépuscule, la nature exténuée

S'abandonne. Quelques corbeaux affamés

Picorent encore les restes du jour

Dans l'assiette ébréchée du couchant.

 

Vers le soir, abandonne-toi

à ton double destin :

Honorer la terre, et faire signe

aux filantes étoiles.

 

Silex du geste sans miroir,

     silex du rire sans écho,

Solitaire ombre debout

     contre la nuit sidérale.

 

Essayez de composer ainsi un quatrain, qui jaillira d'un moment  particulier de la journée où vous voudrez noter ce que vous observez  dans cet instant.

Envoyez-moi vos créations de plumes ...

 

 

 

 

 

 

 

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L'ATELIER PLUME

Mon atelier, feuilles inachevées  (Nice  2019)

Mon atelier, feuilles inachevées (Nice 2019)

Ce premier atelier, je le dédie à Fannie-Laure, qui aura seize ans demain, et à Clarisse qui en a huit car chaque jour elles me donnent la force d'avancer ...

L'atelier, je l'ai déjà  défini dans mes articles précédents. Il est le fruit de mes observations de la réalité. Ses possibilités sont infinies, et le fait qu'il ne demande qu'un peu d'attention, le rend disponible à chaque instant. Ainsi la vie s'écoule, dans la présence du moment et dans l'espace où il prend racine.

L'écriture est le résultat de l'élan d'origine. elle devient mouvement, se déplace avec moi, avec le rythme, l'équilibre, le silence qui s'impose de lui-même.

Souvenez-vous que la longueur importe peu. De même que dans un dessin, ou un ballet, importe peu la quantité de traits ou de pas,  que vous faites. Attachez-vous à ce que vous voyez, et si vous ne ressentez rien, votre écrit devra dire ce vide, cette absence, qui peut aussi être passionnante à observer.

Ainsi je vous donne l'exemple suivant :

Ce petit poème,(poème plume) a été écrit dans le bus à Nice (ligne 1), Avenue Malausséna, le 24 septembre 1982. Il faisait encore chaud, le bus avançait lentement, quand j'ai aperçu une femme à une fenêtre.

Et je regardais la solitude

Penchée à la fenêtre

Au teint de couperose

Bras replié en dedans

Sur une serviette rose

Je l'ai écrit d'un trait que j'ai voulu léger, car cette apparition a disparu avec la progression du bus sur l'avenue. Je l'ai voulu fugace, sans ponctuation car l'impression glânée au vol, était indissociable, et j'en avais presque le souffle coupé. Je me sentais cette apparition, j'étais cette apparition, et mon sentiment intérieur correspondait à ce que je voyais. Le rose, avec sa sonorité mélancolique s'est imposé. Le bras replié en dedans rendait compte de ce retrait du monde par rapport au trafic urbain. J'aimerais ne pas tout dire, et peut-être voyez-vous autre chose dans ce poème-plume ? Car le lecteur s'approprie les mots et les fait résonner avec ses cordes intérieures, qui n'appartiennent qu'à lui. C'est pourquoi, l'expérience de la lecture est si importante, car elle fait remonter des sensations qui nous sont propres.

 

 

 

Voici d'autres exemples, tirés de mes carnets, lors de mes errances.

Le 15 octobre 1988, voici ce que j'écris sur mon carnet (Tourrette-Levens) :

Désordre,

Les feuillets raturés sont éparpillés sur le sol comme des feuilles mortes.

 

Le 23 avril 1990, je vagabonde à Saorge et m'assieds un instant face à l'église du Poggio.

Le lavoir est un miroir

Le marronnier s'y égare

L'ombre solaire fuit le soir

je me lève et je pars.

Vagabondage sur la frontière italienne (20 avril 1990)

J'ai longtemps cherché le jardin de la Mortola,

Anne-Marie ...

 

Voilà, maintenant à vous d'essayer. Un crayon, un carnet, .... et vous et votre désir d'exister, de voir, de sentir, d'écouter, d'entendre, d'apprendre, de découvrir ce qui se passe.

Envoyez-moi vos poèmes-plumes, par messagerie, ou dans vos commentaires. Petit à petit, cet atelier prendra vie avec vous.

Demain, dés l'aube (quand j'écris cela, je ne peux m'empêcher de penser à Victor Hugo - Demain, dés l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, je partirai, vois-tu, je sais que tu m'attends ... qu'il a écrit après la disparition de sa fille Léopoldine), j'écrirai sur ce blogue, pour partager avec vous des lectures, que je range dans ma catégorie des poèmes-plume.

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L'ATELIER PORTATIF, LES CARNETS

 Hasard des carnets : la journée s'écoule en découpages, en fragments, en phrases instantanées.

Hasard des carnets : la journée s'écoule en découpages, en fragments, en phrases instantanées.

l'élan crée la vague des mots et se brise sur les galets (Nice, été 2019)

Depuis trente ans, j'écris presque tous les jours dans des carnets. Quand j'écris, je suis portée par un certain rythme, un souffle qui me pousse vers des couleurs, des images, des sonorités, des impressions sur le vif.  Le rythme s'appuie sur  cet élan de départ, essentiel comme celui du danseur.  Il est à la fois instinctif et travaillé et le mouvement doit  se déployer avec justesse. Cette justesse, c'est  ce qui donnera le ton et la couleur de l'impression que l'on veut attraper. L'élan est la vie, et la vie dépend de cet élan, et des appuis que l'on prend quand on s'élance avec les mots.

Ces carnets silencieux dormaient dans un grand sac, au fond d'une armoire. Dans le moment et l'espace de ce blogue, je  vais  les ouvrir à nouveau, les dépoussiérer, et les parcourir . Ils forment mon journal au fil des années.  Le blogue est une entreprise différente, c'est un espace de partage alors que les  carnets sont  intimes.

Il est orienté sur le processus d'écriture, de lecture, et sur les ateliers que je propose au fur et à mesure.

La poésie par sa  liberté et son mystère, atteint cette qualité de  présence au monde, avec seulement quelques mots. Elle est devenue ma musique, et j'essaie de la cultiver avec régularité,  comme je cultive mon petit jardin enfoui quelque part dans Nice. J'y invite les mauvaises herbes, les fougères plumeuses et les bananiers élancés ainsi que les citronniers, l'oranger et  les  cumquats odorants, le sage olivier et l'arbousier sauvage. Ils cohabitent, et m'offrent un terrain de découvertes et d'interrogations perpétuelles.

Les carnets sont un outil essentiel d'écriture, ils sont mon atelier portatif où je collectionne des motifs, des objets et des sujets d'exploration. Cette prise de notes éparpillées, finit par dérouler un fil ténu d'un sujet à l'autre, un fil d'Ariane. J'aime le rythme lent des chemins de la lecture et de l'écriture. Les terres lointaines et inconnues ne m'apportent pas autant de joie que celle de  collecter avec lenteur, autour de moi des observations, dans le but peut-être de "se connaître soi-même", la plus grande aventure  jamais entreprise par l'homme, selon Montaigne. Et puis le seul être avec lequel on vivra le plus longtemps, c'est  soi-même, alors pourquoi s'éviter, se détourner, s'égarer, s'exiler,  de soi-même, n'est-ce pas passer à côté de sa vie, unique et courte ? 

Ce qui me ravit dans cette expérience de l'atelier d'écriture portatif, c' est de n'avoir besoin que d'un cahier et d'un crayon (qui marche, qui glisse, et court à son gré),  et de partir simplement, à côté de chez moi,  dans les collines ou dans la ville basse et blanche, pour y glâner des impressions, des portraits, des mots, des lieux, à la  réalité souvent très poétique.

La prochaine fois, (dans la semaine qui vient) je vous proposerai de commencer par un atelier léger comme une plume. J'espère qu'il déclenchera une écriture chez vous et peut-être un premier échange, un premier partage. Alors patience.

En attendant je vous donne quelques lignes à méditer, tirées du " trottoir au soleil" de Philippe Delerm.

"Parfois, un petit décalage de vocabulaire au charme étonnant, comme dans la lettre d'une jeune suédoise où j'ai trouvé ces mots :

"Devant mes yeux, le paysage d'automne est accompli".  

 

 

 

 

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